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POÉSIE ÉLÉGIAQUE ET POÉSIE IAMBIQUE.

dée. Un rythme parfaitement égal et uniforme convient mieux à l’uniformité des pas dans la marche. Le mètre anapestique remplissait admirablement cette condition. Il avait sur le spondée l’avantage de la légèreté ; et le dactyle, qui commence par une longue, lui était inférieur par là même, dès qu’il s’agissait de solliciter le pied à se lever de terre. Aussi ne souffrait-il qu’à grand’peine la présence çà et là de quelque dactyle et de quelque spondée, dans ce qui était si proprement son domaine.


Archiloque.


Archiloque fut contemporain de Callinus et de Tyrtée. Il était fils de Télésiclès, qui conduisit une colonie de l’île de Paros dans celle de Thasos, vers les dernières années du huitième siècle avant notre ère. Archiloque était né à Paros même, et florissait vers l’an 680, un peu plus tôt un peu plus tard. À la fin de sa vie, il habitait, selon toute probabilité, son île natale, car il fut tué dans une guerre entre les Pariens et leurs voisins de Naxos. Les combats inspirèrent sa muse, et il se vante lui-même d’être un serviteur du dieu Mars. On ne saurait douter qu’il fût brave, et les fragments de ses élégies rappellent quelquefois les fiers accents de Tyrtée et de Callinus. Il avoue néanmoins qu’un jour il a jeté son bouclier pour sauver sa vie ; et il se borne à dire qu’il se procurera un autre bouclier, afin de remplacer celui dont l’ennemi peut faire trophée. Mais ce n’est ni le poëte élégiaque ni le soldat, que la Grèce admirait dans Archiloque, c’est l’inventeur de mètres nouveaux et d’un nouveau genre de poésie. Archiloque est le père de la satire ; et c’est lui qui a le premier fait usage de l’ïambe : il se l’est du moins approprié, comme dit Horace, et il s’en est fait une arme terrible pour assouvir sa rage. Voici à quelle occasion il quitta les sentiers battus, pour se jeter dans les routes où il devait trouver son vrai génie. Il aimait une jeune fille de Paros, nommée Néobulé. Sa passion était fort vive, et la trace s’en retrouve encore dans le peu qui nous reste de ses vers : « Infortuné, abattu par le désir, je n’ai plus un souffle de vie ; les dieux