Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
CHAPITRE VII.


Callinus.


Callinus d’Éphèse a dû fleurir dans la première moitié du septième siècle avant notre ère : « Maintenant, dit-il lui-même, s’avance sur nous l’armée des Cimmériens destructeurs. » Il nomme aussi les Trères, comme des ennemis contre lesquels il faut combattre. Ces Trères et ces Cimmériens étaient des hordes barbares qui avaient envahi l’Asie Mineure au temps d’Ardys, et qui n’en furent définitivement chassées que par Halyatte, après avoir ravagé pendant de longues années, la Lydie et les contrées voisines. Sardes fut prise deux fois durant cette interminable guerre ; Magnésie sur le Méandre fut détruite de fond en comble ; les villes grecques endurèrent mille maux. Les Ioniens, amollis par une civilisation raffinée, et tout entiers adonnés aux arts de la paix, étaient bien dégénérés de la vertu guerrière de leurs ancêtres. Ils ne résistèrent pas beaucoup mieux que les Lydiens aux premiers chocs des barbares. Les vers que leur adresse Callinus sont un monument qui dépose de leur faiblesse et de leur indécision en face du péril. Cette élégie si vive et si passionnée est avant tout une protestation du poëte contre l’inaction de ses concitoyens, et un appel énergique au sentiment du devoir, endormi dans leur âme. Elle date, selon toute apparence, des premiers temps de la guerre. La nécessité et le désespoir ranimèrent à la fin le courage des Lydiens eux-mêmes. Ce n’est pas quand les barbares fuyaient devant les armes d’Halyatte, que Callinus aurait gourmandé si durement les Éphésiens : « Jusques à quand cette indolence, ô jeunes gens ? quand aurez-vous un cœur vaillant ? Ne rougissez-vous pas devant vos voisins, de vous abandonner ainsi lâchement vous-mêmes ? Vous croyez vivra dans la paix ; mais la guerre embrase la contrée tout entière… Et qu’en mourant on lance un dernier trait. Car il est honorable, pour un brave de combattre contre les ennemis, pour son pays, pour ses enfants, pour sa légitime épouse. La mort viendra à l’instant que marquera le fil des Parques. Eh bien ! marchez devant vous, la lance haute ;