Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
POÉSIE ÉLÉGIAQUE.

patrie, pour leur rappeler d’impérieux devoirs, et pour soutenir, dans les rudes épreuves, leur courage prêt trop souvent à défaillir.

Le vers élégiaque est sorti du vers héroïque. Retranchez, dans le premier vers de l’Iliade, la deuxième syllabe du troisième pied et la deuxième du sixième, et ce qui restera sera un pentamètre, un élége. Tout hexamètre se peut réduire en pentamètre, à condition que le quatrième et le cinquième pied soient des dactyles ; car la quantité, dans le vers élégiaque, est strictement déterminée, excepté pour les deux premiers pieds : le troisième pied est toujours un spondée, le quatrième et le cinquième toujours des anapestes ou dactyles retournés. Mais les poëtes élégiaques des premiers temps se sont rendu le joug assez léger. Ils remplissent les cinq mesures de mots longs ou courts, suivant leur caprice ; ils négligent assez souvent de couper le vers à l’hémistiche, et ils ne s’inquiètent nullement de terminer la phrase ou même de suspendre le sens à la fin du pentamètre. Cependant il est vrai de dire que les distiques sont généralement isolés les uns des autres, et qu’ils forment comme autant de petites strophes distinctes. L’invention du vers élégiaque est donc un premier pas sur la route au bout de laquelle devait apparaître la poésie lyrique, avec ses formes si savantes et si variées.


Récitation élégiaque.


Le mode de récitation appliqué à l’élégie ne dut point différer d’abord de la rhapsodie ordinaire. C’était un instrument à cordes qui servait à l’accompagnement. Mais la déclamation cadencée fit place peu à peu au chant proprement dit : le chanteur quitta son luth, et appela le joueur de flûte à son aide. Les élégies de l’Arcadien Échembrotus furent chantées au son de la flûte, quand les Amphictyons, après la conquête de Crissa, célébrèrent pour la première fois les jeux Pythiques, dans les premières années du sixième siècle avant notre ère. Rien n’empêche de croire toutefois que Callinus et Tyrtée aient chanté les leurs en s’accompagnant de la phorminx ou de la cithare.