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POËMES CYCLIQUES.

nable, on court risque trop souvent de rester en deçà de la poésie.


Arctinus.


Arctinus de Milet avait continué l’Iliade dans une épopée de plus de neuf mille vers, intitulée Éthiopide. Comme Stasinus, ce poëte appartient à une époque très-reculée, car il passe pour avoir été le disciple d’Homère. L’Éthiopide commençait à l’arrivée des Amazones devant Troie, c’est-à-dire immédiatement après les funérailles d’Hector. Les événements principaux du poëme étaient la mort de Memnon, fils de l’Aurore et roi des Éthiopiens, sous les coups d’Achille ; la mort d’Achille lui-même, sous les coups de Pâris ; le jugement des armes, le stratagème du cheval de bois, la prise d’Ilion. On reprochait à ce poëme de manquer d’unité, et d’embrasser un trop grand nombre d’événements, qui se suivaient sans être subordonnés les uns aux autres. L’épopée de Stasinus méritait le même reproche ; ce qui ne justifie point Arctinus. Il ne reste de l’Éthiopide qu’un petit nombre de vers, notamment ceux par lesquels elle se rattachait à l’Iliade, et dont le premier est presque tout entier d’Homère : « Ainsi ils s’occupaient des funérailles d’Hector, quand arriva l’Amazone (Penthésilée) fille de Mars, le dieu vaillant et meurtrier. » Le passage le plus important concerne Machaon et Podalire, fils d’Esculape : « Neptune lui-même leur donna à tous les deux des talents, et les rendit plus illustre l’un plus illustre l’autre. L’un avait, grâce à lui, les mains plus légères, afin qu’il tranchât et taillât dans le corps, et qu’il guérît les blessures. L’intelligence de l’autre savait discerner, avec une parfaite exactitude, les symptômes invisibles, et remédier aux maux inguérissables : il s’aperçut le premier du courroux d’Ajax, à ses yeux étincelants, au trouble de sa pensée. » Le scholiaste d’Homère, qui nous a conservé ce morceau, cite le poëme d’Arctinus sous le titre de Sac d’Ilion.