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CHAPITRE VI.

perdus, sont bien loin de leur prodiguer les éloges. Les Alexandrins ne les comptèrent jamais au nombre des classiques ; et l’on se souvient que c’est à l’un des poëtes cycliques qu’Horace a emprunté le vers qu’il cite comme exemple d’un début ambitieux et de mauvais goût, et en regard duquel il place les deux premiers vers de l’Odyssée.


Stasinus.


Stasinus de Chypre avait reçu d’Homère, d’après la tradition, un poëme qui fut connu sous le nom de Chants cypriens. Il n’est guère douteux que Stasinus lui-même n’en fût l’auteur. Ce poëme, dont le titre n’indique point le sujet, n’était autre chose qu’un long prologue à l’Iliade. Il embrassait tous les événements principaux qui avaient précédé la querelle d’Achille et d’Agamemnon. Le poëte expliquait en détail les causes de la guerre de Troie, et remontait jusqu’à la naissance d’Hélène. C’est peut-être à ce poëme que fait allusion Horace, quand il remarque qu’Homère, pour raconter la guerre de Troie, ne remonte point jusqu’aux œufs de Léda. Toutefois l’épouse de Ménélas n’était point, suivant l’auteur des Chants cypriens, la fille de Jupiter et de Léda. Jupiter l’avait eue de Némésis, et Léda l’avait élevée avec les Dioscures. La guerre de Troie apparaissait à Stasinus sous de sombres couleurs. Ce qui le frappe, ce ne sont point les exploits des héros, ni la gloire dont ils se couvrent ; c’est l’extermination à laquelle les a voués Jupiter : « Il fut un temps où d’innombrables races d’hommes se répandaient sur toute l’étendue de la terre au vaste sein…. Jupiter, qui le vit, eut pitié de la terre, qui nourrit tous les hommes, et, dans sa sagesse, il résolut de la soulager. Il alluma la grande querelle de la guerre d’Ilion, afin de faire disparaître par la mort le fardeau pesant ; et les héros étaient tués dans les plaines de Troie, et le dessein de Jupiter s’accomplissait. » Ce passage des Chants cypriens suffirait à lui seul pour me convaincre que le poëme n’était pas d’Homère. Stasinus était une sorte de mythologue systématique. Mais expliquer, ce n’est pas toujours peindre ; et, à être parfaitement raison-