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HYMNES HOMÉRIQUES.


Hymne à Cérès.


De tous les hymnes homériques, le plus précieux, sans contredit, c’est l’Hymne à Cérès, retrouvé seulement au siècle dernier par le célèbre philologue Ruhnkenius. Cet hymne est tout à la fois et un monument historique d’une haute importance, et un ouvrage fait de main de maître. Nul doute que le poëte ne fût un initié des mystères d’Éleusis ; et nous avons là, selon toute probabilité, la plus ancienne de toutes les productions connues de la muse attique. Légendes, rites, cérémonies, jusqu’au choix de certains noms et de certaines tournures de style ; l’Hymne à Cérès a tous les traits d’un poëme athénien. Ce n’est pourtant pas un de ces chants qu’on nommait télètes, chants d’initiation. Le ton en est simple et populaire ; c’est aux profanes que s’adresse le poëte, mais dans un dessein religieux ; il célèbre la gloire du sanctuaire d’Éleusis ; il vante le bonheur des initiés et dans cette vie et dans l’autre ; il cherche évidemment à inspirer aux hommes le respect des sacrés mystères, et le désir d’y participer. L’Hymne à Cérès n’est donc pas, comme les autres hymnes, un morceau d’apparat ; un simple jeu d’esprit, un développement sur un thème mythologique. C’est quelque chose de plus sérieux ; c’est de la religion, presque du culte, presque de la liturgie.

Voilà ce qui explique que le poëte ait été quelquefois si heureusement inspiré. Sa piété le fait atteindre au pathétique, comme le patriotisme ionien élevait à la dignité et au ton d’Homère l’auteur de l’Hymne à Apollon Délien. Cette Cérès dont il conte les tribulations, c’est une véritable mère. Pluton lui a ravi sa fille : elle, inconsolable de cette perte ; elle cherche partout, jusqu’à ce qu’enfin elle apprend ce que Proserpine est devenue. Les Éleusiniens, qui avaient donné l’hospitalité à Cérès sans la connaître, lui élèvent un temple, après qu’elle leur a manifesté sa présence. Cependant la déesse fait sentir sa colère aux hommes ; en refusant de leur accorder ses dons accoutumés. Mais Jupiter l’apaise, et lui rend sa fille. En vertu d’un accommodement qui met d’accord, tout le