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HYMNES HOMÉRIQUES.

rence, une partie du commencement, le récit de la rivalité de Junon et de Latone, et le détail des courses errantes de la mère d’Apollon. Le poëte du moins entre un peu brusquement en matière, après la double invocation à Latone et à son fils. Il conte comment Délos donna l’hospitalité à la déesse persécutée, et comment Apollon naquit au pied du palmier tant célébré depuis ; il trace ensuite un magnifique tableau des fêtes de Délos : « Mais toi, Phoebus, Délos est le lieu le plus agréable à ton cœur. C’est là que se réunissent les Ioniens à la robe traînante, avec leurs enfants et leurs chastes épouses. Ils se livrent, en ton honneur, aux luttes du pugilat, de la danse et du chant. Il dirait des immortels éternellement exempts de vieillesse, celui qui visiterait Délos quand les Ioniens y sont réunis. À l’aspect de tant de beauté, il se réjouirait dans son cœur, admirant ces hommes, ces femmes à la gracieuse ceinture, ces rapides navires, ces richesses entassées. Ajoutez-y cette grande merveille, dont la gloire ne périra jamais, les filles déliennes, prêtresses du dieu qui frappe au loin. Elles chantent d’abord Apollon, puis elles rappellent Latone, et Diane qui aime à lancer des flèches ; elles célèbrent aussi les héros et les héroïnes d’autrefois, et elles enchantent la foule des hommes. Elles savent imiter la voix de tous les peuples et le son de leurs instruments. On dirait qu’on s’entend parler soi-même, tant il y a, dans leurs accents, d’harmonie et de beauté[1]. » Ceci, bien plus encore que la croyance de Thucydide, prouve que l’Hymne à Apollon Délien n’est pas d’un contemporain de Miltiade et de Thémistocle. C’est un homme des temps antiques qui a vu les Ioniens dans cette gloire et dans cette opulence. Je dis plus : c’est un compatriote d’Homère qui les a chantés avec cet enthousiasme. Je sens dans ses vers la passion de la grandeur nationale ; et dans sa poitrine, comme dans celle d’Homère, bat un cœur ionien.

  1. Hymne à Apollon Délien, vers 146 et suivants.