Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
CHAPITRE V.

avait célébrées. Les vers qui restent de l’épopée des femmes se rapportent à Coronis, mère d’Esculape, fils d’Apollon ; à Antiope, mère de Zéthus et d’Amphion, fils de Jupiter ; à Mécionice, mère d’Euphémus, fils de Neptune ; à Cyrène, mère d’Aristée, fils d’Apollon. Encore y a-t-il telle de ces légendes qui semble avoir été ajoutée après coup à l’œuvre primitive. Celle de Cyrène, cette jeune fille thessalienne qu’Apollon avait transportée en Libye, où elle donna le jour à Aristée, doit dater, suivant quelques critiques, d’une époque postérieure à la fondation de la ville de Cyrène sur les côtes de la Libye, c’est-à-dire de plusieurs siècles après Hésiode. Le fragment de la légende d’Alcmène, dont j’ai cité le début, est assez considérable : il ne contient pas moins de cinquante-six vers, qui se suivent sans lacune. Le poëte y explique les motifs qui avaient forcé Amphitryon de se réfugier à Thèbes, l’amour de Jupiter pour Alcmène, l’absence et le retour d’Amphitryon, la naissance d’Hercule et de son frère. Ce n’est là, évidemment, qu’une portion de la légende. Le récit des exploits d’Hercule et la peinture des tourments endurés par la mère d’un héros si rudement éprouvé, avaient dû fournir une riche matière aux développements poétiques. L’exclamation d’Alcmène qui nous a été conservée : « O mon fils, Jupiter, ton père, t’a donc fait naître pour être malheureux et brave entre tous ! » ce cri pathétique, sorti du cœur d’une mère, prouve du moins qu’Hésiode avait fait de la légende une sorte d’Héracléide, mais d’où Alcmène n’était point absente.


Le bouclier d’Hercule.


Dans les éditions d’Hésiode, immédiatement après le grand morceau de cinquante-six vers, vient, sans transition aucune, le récit du combat d’Hercule contre Cycnus fils de Mars, et contre le dieu Mars lui-même. Ce récit, à son tour, est coupé par la description infiniment détaillée du bouclier que portait le fils d’Alcmène, et ne reprend qu’au bout de cent quatre-vingts vers. L’ensemble incohérent formé de ces trois pièces diverses est le prétendu poëme qu’on nomme le Bouclier d’Hercule. Il n’est pas vraisemblable que le récit du