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HÉSIODE.


La Théogonie.


La Théogonie, au contraire, porte en maint endroit des traces visibles d’interpolation. Il y a une foule de vers, dans ce poëme pourtant si court, qui ne sont que des gloses mythologiques ou grammaticales, aussi indignes d’Hésiode que de la poésie même. Il y en a d’autres qui n’ont aucun rapport ni avec ce qui les précède, ni avec ce qui les suit. Il y en a qui sont d’Homère, et qui semblent n’être entrés dans le texte qu’après avoir été d’abord placés à côté comme objet de comparaison. Ainsi, à la suite de la description, de la Chimère, on lit cette autre description du même monstre, empruntée à l’Iliade[1] : « Lion par devant, dragon par derrière, chèvre au milieu, vomissant d’affreux tourbillons de flamme. »

Mais c’est surtout le prologue du poëme qui a été gonflé outre mesure. La Théogonie, avec ses nombreuses surcharges, n’a guère qu’un millier de vers, et le prologue à lui seul en compte cent quinze. Cette particularité est déjà en soi assez extraordinaire. L’examen du morceau confirme les soupçons qu’on ne peut s’empêcher de concevoir au premier aspect. On reconnaît bien vite que le vrai prologue de la Théogonie ne se composait originairement que des trente-cinq vers où le poëte raconte les danses et les chants des Muses sur les sommets de l’Hélicon, et comment il a reçu d’elles le don de la poésie avec le rameau de laurier, et des douze vers où il demande aux Muses de lui révéler ce qu’elles savent de l’histoire des dieux et de leurs généalogies. Toute la partie intermédiaire n’a aucun rapport avec la Théogonie. C’est d’abord un hymne, où les Muses sont célébrées comme des poétesses, nées de Jupiter dans la Piérie, près de l’Olympe ; c’est ensuite une énumération des Muses, et un tableau des bienfaits dont elles comblent les hommes. On peut admettre, à la rigueur, que ces chants en l’honneur des Muses sont l’ouvrage d’Hésiode ; et ils sont

  1. Iliade, chant VI, vers 181, 182.