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HÉSIODE.

vieillard ; mais il ne pénètre point la peau délicate de la jeune fille, qui reste dans la maison auprès de sa mère… Alors les hôtes des bois, cornus et non cornus, fuient, éperdus et grinçant les dents, par vaux et broussailles. Tous ceux qui habitent des tanières profondes, des cavernes de rocher, ne songent qu’à se blottir dans leurs abris. Alors aussi les hommes ressemblent au mortel à trois pieds, dont le dos est brisé, dont la tête regarde le sol : ils se voûtent comme lui en marchant, pour éviter la blanche neige[1]. »

A propos des travaux de la moisson, Hésiode se souvient que l’été est une saison de joie et de bien-être, et il engage Persès à prendre sa part de ces plaisirs qu’on goûte à si peu de frais : « Quand le chardon fleurit, et que la cigale harmonieuse, posée sur un arbre, épanche sa douce voix en agitant ses ailes ; dans la saison du laborieux été, alors les chèvres sont très-grasses et le vin excellent… Cherche l’ombre d’un rocher, emporte le vin de Biblos, et le gâteau de fromage, et le lait des chèvres qui ne nourrissent plus, et la chair d’une génisse qui broute le feuillage et n’a pas été mère encore ; et celle des chevreaux premiers-nés. Savoure le vin noir, assis à l’ombre, repu à souhait, le visage tourné du côté du zéphyre au souffle puissant, et sur le bord d’une fontaine aux flots intarissables, abondants et limpides[2]. »

Après d’intéressants détails sur l’art de s’enrichir dans les entreprises du commerce maritime, sur le choix du navire, sur les saisons favorables à la navigation, Hésiode reprend le thème des prescriptions morales, mais non plus avec cette verve et cette richesse de pensée qui distingue la première partie du poëme. Il se borne maintenant à tracer une sorte de code de la civilité et des bienséances. Que s’il touche en passant à quelque grand sujet, il est tout aussi bref que s’il s’agissait simplement de prémunir Persès contre le danger de se rogner les ongles durant le festin solennel des dieux, ou, suivant son expression, de séparer le sec du

  1. Œuvres et Jours, vers 502 et suivants.
  2. Œuvres et Jours, vers 580 et suivants.