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CHAPITRE V.


Vie d’Hésiode.


C’est en Béotie, dans la petite ville d’Ascra au pied de l’Hélicon, qu’Hésiode a vécu, et c’est là probablement qu’il était né. Son père, qui était de Cymé dans l’Éolide d’Asie Mineure, avait couru les mers pour chercher fortune, et, après s’être enrichi dans ses entreprises, était venu se fixer à Ascra. Hésiode ne dit point que son père l’eût amené avec lui de Cymé ; il semble même dire le contraire quand il parle du seul voyage qu’il ait fait sur mer : « Jamais je n’ai traversé dans un vaisseau la vaste mer, sinon pour passer d’Aulis en Eubée… Je me rendais à Chalcis, afin de disputer les prix du belliqueux Amphidamas. Ses fils magnanimes avaient proposé des prix pour plusieurs sortes de luttes. Là, j’eus la gloire de conquérir par mon chant un trépied à deux anses. Je le consacrai aux Muses héliconiennes, dans le lieu où, pour la première fois, elles m’avaient mis en possession de l’art des chants harmonieux[1]. »

Hésiode fait d’Ascra un triste tableau. C’était un séjour, suivant lui, détestable en hiver, intolérable en été, agréable jamais. Il ne laissa pas de s’y tenir, par habitude, peut-être par nécessité à cause des biens qu’il y possédait ; et je doute qu’il n’eût pas aussi pour la bourgade natale un peu de cet amour qu’on porte toujours à son pays, en dépit des intempéries du climat ou de l’humeur insociable des voisins qu’on y trouve. Ainsi le surnom d’Ascréen lui conviendrait encore, alors même qu’on admettrait qu’il fût né à Cymé, et qu’il eût fait sur mer, durant son enfance, un voyage plus long que la traversée d’Aulis à Chalcis.

Hésiode semble nous dire en passant qu’il avait un fils. Il avait aussi un frère puîné, nommé Persès. Ce ne fut pas sans peine qu’ils parvinrent à s’entendre, Persès et lui, après la mort de leur père : « Terminons notre querelle, dit Hésiode à son frère, par d’équitables jugements, tels que pour notre bien les dicte Jupiter. Déjà nous avons partagé l’héritage ;

  1. Œuvres et Jours, vers 648 et suivants.