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souvenirs d’oxford et de cambridge

prébende pendant dix ans au plus et s’en servent pour se créer une situation ou se faire connaître. On conçoit de quelle estime sont entourés les fellowships. L’opinion publique ne tolérerait pas qu’un pareil avantage fût accordé à celui qui n’en serait pas digne, aussi le concours est-il peu à peu substitué au choix ; cette réforme est due à la commission qui, il y a peu d’années, a révisé les statuts des collèges, mais avec une extrême circonspection et en respectant dans les limites du possible la volonté du fondateur.

Le vice-chancelier reçoit une indemnité de 15 000 francs, me dit-on ; le master d’un collège, 30, 40, quelquefois 50 000 francs, mais il est obligé à de grandes dépenses ; les fellows ont ordinairement entre 5 000 et 7 000 francs ; quelques-uns ont beaucoup plus et jusqu’à 18 000 francs ; pour les scholars, cela varie entre 500 et 2 000 francs. Quant aux étudiants, ils dépensent 5 000 francs par an facilement : celui qui vit avec beaucoup d’économie peut se contenter de 3 500 francs, ou moins encore, si c’est un boursier.

Faute d’étudiants à observer, il faut se contenter des types dépeints dans Tom Brown at Oxford, quitte à revenir voir une autre fois si la peinture est toujours exacte. Ce roman, cité par M. Taine, dans ses Notes sur l’Angleterre, a joui d’une grande vogue[1]. Tom Brown, sorti de Rugby, l’une des grandes écoles préparatoires du Royaume-Uni, vers l’an 1842, vient ensuite faire ses trois années de stage à Oxford, dans un collège imaginaire où la paresse est dominante et où l’argent coule à flots : il a dix-huit ans : il est commoner, c’est-à-dire qu’il ne dîne pas à la table des noblemen (héritiers d’un titre nobiliaire), lesquels sont privilégiés de maintes façons, mais qu’il partage leurs plaisirs hippiques et autres ; le sport nautique l’attire, et il devient un rameur de première force. Il se lie d’étroite amitié avec un servitor, caractère fier et ombrageux qui souffre d’une position subalterne et du dédain des riches. Cependant à travers les péripéties de sa vie joyeuse, ses idées se forment et son bon sens le guide vers un autre idéal. L’auteur fait toucher du doigt à son héros tous les abus d’alors et, sans doute, lui prête ses propres raisonnements ; et la première année se termine dans le tourbillon de cette semaine de fêtes qu’on nomme la Commemoration, pendant laquelle on danse follement sous les vieux portiques. La seconde année sera plus sérieuse. Tom se rapproche de ceux qui ne se contentent pas comme lui du

  1. Les extraits cités par M. Taine ne correspondent plus du tout avec le présent état de choses dans les universités ; l’esprit n’est plus le même et l’égalité y a fait de grandes conquêtes.