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beaucoup de forces et c’est pourquoi il devait résister quatre siècles aux pires assauts du destin mais il n’avait plus ces contours robustes qui aux temps de Justinien, de Constantin v ou de Basile ier, avaient permis le prompt relèvement de l’empire chaque fois qu’une main puissante s’était trouvée à portée pour saisir le gouvernail.

Ces quatre siècles ne sont plus à proprement parler de l’histoire byzantine. Ils relèvent plutôt de l’histoire des Normands, des Turcs et des Croisés. Byzance y apparaît écrasée sous la triple pression de ces adversaires redoutables et la lenteur de son trépas est chose étonnante. Les Commène (1081-1204) en accédant au trône par un coup d’État — salutaire en ce qu’il mettait fin à une période de désordre et d’impuissance — aristocratisèrent définitivement le pouvoir impérial. Ils appartenaient à la haute féodalité militaire. Et sans doute, Alexis (1081-1118), Jean (1118-1142), Manuel (1143-1180) furent des souverains remarquables, bons soldats, bons diplomates, braves, brillants, zélés. Le second mérita d’être appelé Kalojean ce qui signifie Jean l’Excellent et le troisième fut la plus séduisante figure de son temps. Mais, en face d’une noblesse de plus en plus exigeante et remuante et dont ils étaient eux-même issus, ils ne purent pas s’appuyer efficacement sur le peuple comme l’avaient fait tant de leurs prédécesseurs sortis du peuple. Pour l’avoir tenté, Andronic Commène (1182-1185) fut promptement renversé. Autour d’eux la féodalité agissait comme un agent de dislocation. Lorsque l’énorme vague d’appétits matériels provoquée par les croisades déferla de l’occident sur l’orient, tout était mûr pour le morcellement.