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et l’associée. Elle s’était, à plusieurs reprises, efforcée de l’arrêter sur une pente dangereuse. Elle ne croyait pas que l’entente religieuse avec Rome pût être durable et la politique méditerranéenne ne lui semblait acceptable que pour autant qu’elle ne déplacerait pas le centre de gravité de l’empire vers l’occident. Elle voyait juste et les événements devaient lui donner promptement raison, mais après sa mort Justinien, bien qu’il vouât un véritable culte à sa mémoire, s’entêta dans ses propres idées. Ce travailleur infatigable devenu inquiet et tatillon continua de construire à grands frais des forteresses pour protéger ses possessions latines tandis qu’il laissait des périls plus urgents s’accumuler sur le bas Danube et en Syrie. Quand il mourut à quatre-vingt sept ans, la misère était générale ; l’empire était financièrement épuisé.

Sur cet échec d’une politique disproportionnée aux ressources qu’eût exigées sa réalisation, il faudrait bien se garder de juger et de condamner l’œuvre entière de Justinien. Il en subsista d’impérissables monuments : monuments juridiques d’abord, le Digeste, les Institutes… tous ces recueils où se condensa la jurisprudence romaine et à la rédaction, parfois hâtive et tronquée, desquels on peut faire de justes reproches, mais qui n’en furent pas moins, pendant des siècles, les introducteurs des sociétés barbares dans les voies de la justice civilisée — monuments architecturaux ensuite : et ici nulle restriction ne peut être émise. L’éclosion de la beauté byzantine sous le règne de Justinien ne se compare qu’à l’essor athénien au temps de Périclès et à la floraison des cathédrales gothiques en occident. Ce furent là, en architecture, les trois