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Lorsqu’Anastase mourut, une intrigue obscure porta au pouvoir le commandant en chef des troupes de la garde, Justin. Cet honnête paysan macédonien devenu général et resté illettré avait soixante-dix ans. Il prit pour conseiller — et le conseiller devint bientôt une sorte de vice-empereur — son neveu Justinien auquel il avait fait donner une éducation très complète et qui lui succéda ayant à ses côtés sa femme, la célèbre Théodora, fille d’un gardien des ours de l’hippodrome, puis actrice en renom et enfin impératrice énergique et clairvoyante. Procope en ses commérages l’a si abondamment décriée que beaucoup d’écrivains se sont de nos jours acharnés sur elle, défigurant son rôle et son caractère. Justinien régna neuf ans sous le nom de son oncle (518-527) et trente-huit ans (527-565) comme empereur : règne illustre, l’un des plus intéressants de l’histoire universelle, mais dont en politique il n’est rien resté parce qu’il fut tout entier consacré à l’exécution d’un plan dont le point de départ était erroné. Justinien voulut refaire non pas l’empire romain car il ne songea jamais à abandonner Byzance pour Rome, mais l’empire méditerranéen dont Rome avait été le centre. Or, les temps n’étaient plus où un pareil édifice put être rétabli ; les fondations même en avaient disparu. En vain, les flottes et les armées de Justinien commandées par ses fameux généraux Bélisaire et Narcès réalisèrent-elles, par un gigantesque effort de plus de vingt années (583-554), les grandes lignes du plan ; en vain, la royauté des Vandales et celle des Ostrogoths abattues, l’Afrique du Nord et l’Italie