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Les cités grecques entrées dans l’empire romain n’avaient pas eu, pour la plupart, à abandonner leurs institutions. Presque toutes en Grèce, un très grand nombre en Asie avaient été déclarées libres. Au-dessus d’elles, le proconsulat romain ne constituait guère qu’un contrôle et une trésorerie. Et sans doute leur activité politique se trouvait restreinte. Le régime municipal n’en était pas moins à même d’y fonctionner. Mais il est certain que l’esprit civique s’était affaibli. Dans beaucoup de cités, les finances en mauvais état, les écoles négligées, les monuments publics endommagés constituaient un ensemble peu fait pour encourager les magistratures volontaires. D’autre part, la religion avec ses sacerdoces, ses fêtes, son luxe, en était arrivée à dominer le commerce et l’industrie créant autour d’elle une quantité d’intérêts matériels nouveaux. Seulement, du fait que la foule s’enthousiasmât pour les cérémonies religieuses, il ne s’ensuit pas qu’elle dût s’éprendre d’une casuistique compliquée. Une autre explication a été suggérée : le besoin d’unité. L’unité romaine avait pénétré d’admiration le monde méditerranéen tout entier. Sa disparition était comme la synthèse des malheurs présents et des périls à venir. Or, le christianisme paraissait désormais seul capable de maintenir ce qui restait du monde romain en état d’union. De là, l’importance attribuée au dogme et le désir d’en fixer jusqu’aux moindres détails. Tout cela est exact, mais un tel sentiment n’eut-il pas dû, en fin de compte, arrêter plutôt qu’accroître le flot des hérésies. Or, elles pullulèrent, dit Tertullien dans son indignation, « ainsi que les scorpions des bords du Nil au soleil de l’été ».