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que le pouvoir civil y trouverait son compte. En tout cela on n’aperçoit rien qui fut propre à incliner plus les gouvernants que les gouvernés vers les subtilités des disputes théologiques. Sans doute très vite, la simplicité évangélique primitive ayant fait place à un épiscopalisme hiérarchisé qui s’entourait volontiers de pompe et d’éclat, des rivalités d’autorité étaient nées. Les patriarches de Byzance et d’Alexandrie jaloux l’un de l’autre l’étaient non moins de l’évêque de Rome lequel se méfiait d’eux. Cela donnait lieu à des convocations fréquentes de conciles tantôt régionaux, tantôt « œcuméniques » (universels) qui se lançaient l’anathème les uns aux autres. Mais l’opinion publique, comment pouvait-elle se passionner violemment pour le problème des « deux natures » ? Arius avait voulu démontrer que Jésus-Christ n’était point Dieu et son raisonnement était à la portée de tous. Mais lorsque Nestorius enseignait que Jésus-Christ bien qu’incarné n’avait jamais été homme, mais seulement Dieu, c’étaient là des conceptions qui dépassaient l’entendement moyen. Nous comprenons mal qu’elles aient suscité tant de véhémence, provoqué tant de conflits aigus, occasionné tant de crises politiques. On a voulu en trouver une explication dans le fait que les populations helléniques ou hellénisées privées de la saine agitation de l’agora satisfaisaient sur le terrain religieux le besoin de discourir et de discuter que la pratique de la liberté leur avait jadis insufflé. Mais il n’est pas exact que l’agora fut réduite au silence. Là où elle l’était, c’est que les citoyens l’avaient volontairement désertée, non que l’autorité en eût ainsi ordonné.