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la grande période athénienne n’eurent point de successeurs dignes de leur être comparés, on en tire cette conclusion qu’un recul de la culture grecque survint et que, notamment, les derniers siècles de l’ère ancienne représentent une décadence de la pensée. Il y a là tout au moins une forte exagération. Certes, le génie créateur ne se révéla point par des chefs-d’œuvre littéraires mais — et c’était une condition essentielle de l’hellénisation — la diffusion des chefs-d’œuvre antérieurs s’opéra d’une façon à la fois universelle et prompte. Par la connaissance de la langue grecque d’abord. Cette langue si parfaite, dont on a pu dire qu’elle était « articulée » comme le corps d’un bel athlète, pénétra partout, même en Égypte ainsi que nous l’avons vu. Ses progrès en Asie-mineure furent surprenants ; de nombreuses inscriptions attestent que si les dialectes indigènes restaient en usage dans les milieux populaires, les gens cultivés n’employaient point d’autre langue que le grec. Dès le début du iie siècle, il en fut ainsi dans toutes les villes. Le grec se substitua comme langue littéraire et liturgique à l’araméen en Mésopotamie, en Cappadoce ; il s’introduisit en Arménie et chez les Celtes de Galatie qu’en 188 av. J.-C. les Romains traitaient de « gallo-grecs ». En Thrace, la ville de Philippopoli (fondée vers 340 par Philippe ii, père d’Alexandre) servit de foyer d’hellénisation… Or, en se répandant de la sorte, le grec ne se déforma pas comme on eût pu le craindre car des adorateurs vigilants veillèrent sur sa conservation. De ceux-là Alexandrie fut le centre d’action. Autour du Musée (temple des Muses) et de la bibliothèque bientôt riche de plus de quatre cent mille ma-