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d’expansion fut mince : quelques factoreries en Cilicie, — l’envoi, en 707, de colons à Tarente, — en 625, sous l’impulsion de l’oracle de Delphes, la fondation de Cyrène à laquelle le fait d’être relié par terre à l’Égypte devait assurer plus tard une grande importance… ce fut à peu près tout. Ainsi, en l’an 600, le « monde grec » était formé et une prospérité incroyable s’y révélait déjà. On pense qu’au ve siècle, Crotone, Tarente, Agrigente, Syracuse comptèrent de 50.000 à 80.000 habitants, plus qu’Athènes ou Corinthe n’en comptaient elles-mêmes. D’autre part, la monnaie de Marseille faisait prime jusqu’en Étrurie et, par la vallée du Rhône, circulait jusqu’aux approches du Rhin. Quant à Milet, patrie des « aeinautes » (ou « marins perpétuels »), elle pouvait se parer du titre de reine des cités grecques ; de la mer d’Azof au Nil, elle n’avait pas engendré moins de vingt-quatre cités filiales ; deux lignes régulières de navigation partaient de son port, l’une vers la mer Noire et l’autre vers l’Égypte. Ces quelques faits soulignent ce qu’on peut appeler l’unité économique du monde grec. Son unité intellectuelle et morale n’était pas moindre. Là aussi, certains faits sont instructifs à noter : tel ce geste de Pisistrate, faisant faire six copies officielles de l’œuvre d’Homère et envoyant d’Athènes l’une de ces copies à Marseille et l’autre à Sinope sur la mer Noire : telle encore cette anecdote racontée par Aristote d’un citoyen de Milet qui, prévoyant une surabondante récolte d’olives accapara d’avance tous les pressoirs de la ville aux fins de les louer ensuite à des prix avantageux. Or, ce citoyen si avisé — un peu trop — n’était