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de façade littéraire s’ajouta bientôt l’« Hétairie », vaste organisation secrète qui tissa à travers le monde grec si divers une immense toile d’araignée aux fils invisibles. Déjà en 1797, un thessalien, Rhigas, avait entrepris quelque chose d’analogue. Mais les temps n’étaient point révolus et Rhigas avait payé de sa vie un effort prématuré. Cette fois-ci, des couvents retranchés dans la montagne aux pauvres sanctuaires où d’humbles popes entretenaient le feu sacré, des riches colonies grecques d’Odessa, d’Ancône, de Livourne, de Marseille, de Paris, de Pétersbourg aux cavernes où les Klephtes cachaient leurs trésors, les dons affluèrent et la même ambition s’exprima. À ce peuple auréolé par les reflets d’un si grand passé, la liberté de vivre ne suffisait pas. Il fallait un avenir digne de ce passé.

Le 24 mai 1821, la Grèce nouvelle cueillait à Valtetzi ses premiers lauriers et peu après, Colocotronis s’emparait de Tripolitza. Le 1er janvier 1822, une assemblée nationale réunie à Épidaure adopta une constitution et fit appel à l’Europe. Les Turcs affolés répondirent par d’odieux massacres. Ils mirent à mort le patriarche[1], un grand nombre d’évêques et des milliers de chrétiens. Dans les îles, à Patras, en maints endroits le sang coula à flots. L’Europe officielle ne s’émut point. Les Autrichiens ravitaillaient les Turcs ; le « lord commissaire des

  1. Le Patriarche grec de Constantinople, sans que sa situation soit clairement définie par rapport aux églises nationales, était le chef de la foi orthodoxe et son représentant suprême.