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pacha d’Égypte, Mehemet Ali[1], c’était un véritable souverain beaucoup plus puissant que le sultan. Maître de l’Arabie et de la Nubie, possédant une armée et une flotte redoutables, ayant développé fort habilement les ressources du pays, il était à même de jouer en orient un rôle de premier plan. De cet ensemble de circonstances concourant à accentuer la décadence ottomane, les Serbes avaient été les premiers à profiter. Leur condition était demeurée longtemps misérable. Réduits aux métiers de laboureurs, de bûcherons ou d’éleveurs de pourceaux, ils avaient conservé une organisation villageoise toute patriarcale. Le bas clergé issu d’eux partageait leur misère. Les évêques étaient généralement des grecs ayant acheté leurs charges au sultan. Dans les villes, les Janissaires tenaient garnison et les marchands turcs monopolisaient le commerce. La plupart des descendants des anciens seigneurs étaient devenus musulmans. Ainsi le peuple vivait-il dans l’isolement. Seuls quelques couvents fortifiés et jouissant de privilèges consacrés par le temps maintenaient les traditions nationales, veillant sur les tombeaux des anciens rois et entretenant de rares écoles. Révoltés en 1804 contre des exactions grandissantes, les paysans serbes trouvèrent un chef en Karageorges (Georges le noir), homme brutal et sans culture, mais qui parvint à les libérer. La Russie toutefois les ayant abandonnés lorsqu’elle signa avec la Turquie le traité de Bukarest (1812), ils retombè-

  1. Mehemet était albanais et avait débuté comme marchand de tabac. De même son voisin Ahmed, pacha de Syrie était un ancien portefaix, bosniaque de naissance. Ces aventuriers d’origine chrétienne prenaient peu à peu dans l’empire turc dégénéré les premières places.