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laissés soumis à leurs anciens maîtres, et sans doute il faudra du temps pour que le sentiment de l’égalité vienne aux uns et aux autres.

Quoi qu’il en soit, la question nègre préoccupe à bon droit les hommes d’État américains et leur fournit, de temps à autre, l’occasion de mettre au monde des projets excentriques. Un sénateur a proposé de les reconduire tous en Afrique : « C’est leur patrie d’origine, a-t-il dit ; quelle glorieuse mission pour eux d’apporter à leurs frères restés dans la barbarie la civilisation qu’ils tiennent de nous ! » J’espère qu’il se sera trouvé quelqu’un pour rire au nez du facétieux sénateur ; en tout cas les nègres ont ri jaune ! à la pensée de cette « glorieuse mission ». Vis-à-vis des noirs, les blancs se croient tout permis ; ils trichent aux élections dans le dépouillement des bulletins et ne craignent pas de s’en vanter ouvertement. En cas de querelle, le noir a toujours tort ; on lui parle comme à un chien ; et chacun fait de son mieux pour lui donner une idée bien nette de son infériorité ; or cette infériorité n’est rien moins que prouvée. Après tant d’années de servitude, il n’est pas surprenant que l’intelligence soit lente à s’ou-