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universités transatlantiques.

c’est le même tourbillonnement et la même incohérence ; des vagues semblent vouloir remonter vers la chute comme s’étant trompées de chemin, et les sombres murailles qui emprisonnent ce fleuve pris de vertige rendent la scène plus barbare et plus inoubliable ; là-bas, derrière une falaise qui s’avance en proue de navire, le Niagara précipite d’une hauteur de 50 mètres une masse liquide que l’on a évaluée — bien approximativement, il est vrai — à cent millions de tonnes par heure.

Alors on n’a plus qu’une idée : courir à la chute ; on bouscule tout le monde ; on s’installe à la hâte ; on n’attend point ses bagages et, guidé par le sourd grondement des eaux qui s’abattent, on atteint le bord de l’abîme. Mais ce n’est point l’impression première qu’il faut recueillir ; elle est toute d’étonnement, parfois de désillusion. Quand on a la chance de trouver le Niagara dans sa solitude hivernale, quand les touristes ont fui, que les annonces et les réclames ont disparu, que les rives sont désertes et que le vent balaye rageusement les feuilles mortes, alors on jouit de ce grandiose et merveilleux voisinage ; on ne se lasse pas d’errer