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souvenirs d’amérique et de grèce.

petits ouvrages de fantaisie, tels que les fillettes se plaisent à en confectionner chez nous. À huit ans, un Américain délaisse volontiers de pareilles récréations, même s’il lui est interdit de participer aux plaisirs virils de ses camarades. Mais Tello reprit ses fleurs et ses pinceaux et se mit à vendre, parmi ses amis et connaissances, tout ce qui s’échappait de ses doigts.

Cela ne valait pas grand’chose, et le nombre des va-nu-pieds qui avaient appris le chemin de sa demeure augmentait rapidement. Il réquisitionnait à l’école les vieux souliers des autres garçons ; mais tout cela était insuffisant ! Il avait aussi, dès 1885, organisé un arbre de Noël pour ses protégés. Cette année-là, il y avait eu assez de chaussures, de gâteaux et de fruits pour faire les délices d’une vingtaine d’entre eux !

Vous autres, qui ne voyez l’Amérique que dans une fuite rapide, par les glaces d’un Pulmann-car ou bien à travers les impressions hâtivement récoltées par un touriste à la plume facile, vous n’imaginez pas ce que sont, à l’époque de Noël ou bien au Thanksgiving Day, ces cités américaines qu’on vous dépeint desséchées et endurcies dans le culte du veau d’or. Partout des charités, de ces charités « de luxe » qui sont si ingénieuses et que vous jugez dangereuses parce que vous avez gardé, du vieux temps féodal, ce préjugé que les pauvres sont faits d’un autre bois que vous-même.

Les Américains ne pensent pas qu’un jour de fête soit de trop dans une vie de misère, ni qu’on risque de gâter un enfant en lui donnant un joujou neuf ou des friandises inutiles. Vous partez de ce point de