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la mission des va-nu-pieds.

tenant plus, il ramena chez lui deux petits mendiants tout déguenillés dont les pieds saignaient et pour lesquels il trouva une paire de chaussures et quelques vieux vêtements On ne dit pas comment ses parents envisagèrent cette visite inattendue, mais il ne vint pas à Tello l’idée de recourir à eux.

C’est ici que l’histoire devient intéressante pour nous autres du vieux monde. Nous aimons bien noter dans le cœur de nos petits la naissance des instincts charitables, quitte à leur expliquer qu’ils vont trop loin lorsque, comme le « Jack » de Daudet, ils introduisent dans la salle à manger un pauvre colporteur hâve et défait, et lui découpent une tranche appétissante du jambon paternel ! Nous leur enseignons même à faire une part pour les pauvres dans les économies qu’ils peuvent réaliser, et à se séparer sans trop de larmes des joujoux cassés susceptibles de faire sourire encore les petits visages sans joie. Mais j’aperçois d’ici l’effarement de madame et les sombres préoccupations de monsieur s’ils voyaient leur fils employer les loisirs de sa vie scolaire à mettre sur pied toute une organisation sociale destinée à lui procurer les ressources pécuniaires indispensables à la réalisation de ses vues philanthropiques.

Tello d’Apéry n’était pas très robuste ; sa première enfance ayant été entourée de soins, il avait appris une foule de choses qu’ignorent les diablotins que le plein air et les jeux violents peuvent seuls satisfaire et que met en fuite la perspective d’un amusement tranquille, sur une table, dans un appartement clos. Il savait notamment faire des fleurs en papier et d’autres