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souvenirs d’amérique et de grèce.

çaise des sciences et des beaux-arts » qui, dans sa pensée, devait devenir une véritable université franco-américaine. Ses annexes de Baltimore, de Philadelphie et de New-York lui eussent procuré de nombreux étudiants ; son affiliation aux sociétés royales de Paris, de Londres et de Bruxelles lui eût donné le moyen de recruter, en Europe, les meilleurs professeurs. On sait comment le jeune officier intéressa à ses projets Franklin, Jefferson, Washington et, en France, Lavoisier, Condorcet, Malesherbes, Beaumarchais ; comment, le 21 juin 1786, la pose de la première pierre de l’Académie eut lieu en grande pompe à Richmond, et comment la Révolution française, survenue sur ces entrefaites, annihila les généreux efforts du fondateur et trancha le lien qu’il avait si ingénieusement formé entre la vieille France et la jeune Amérique. Depuis lors, chose curieuse, personne n’a songé à le renouer. La France s’est obstinée à rivaliser avec les États-Unis sur le terrain économique et commercial ; elle ne s’est pas avisée de la possibilité pour elle d’exporter des idées ni de la supériorité incontestable qu’aurait ce genre de produit sur le marché du nouveau monde. Les universités des États-Unis, livrées à leurs propres ressources, ont vainement appelé des professeurs français pour enseigner notre langue et notre littérature. Aujourd’hui encore, beaucoup de chaires de français sont occupées par des Allemands et il y a des collèges où on les a supprimées faute d’un titulaire. Qui donc, chez nous, consentirait à aller professer « chez les Yankees » ? Ses collègues chercheraient tout de suite, dans la vie de