Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
souvenirs d’amérique et de grèce.

sang par le mariage n’a point eu lieu. Mais la race rouge, ne l’oubliez pas, était une race noble ; on peut anéantir une race noble, on ne détruit jamais complètement sa trace à travers l’humanité. Le voisinage des guerriers rouges devait agir sur les pionniers blancs ; il a agi en effet, et non seulement sur eux, mais sur les sédentaires venus derrière eux et qui n’ont connu que les derniers soubresauts de la révolte.

L’Indien était caractérisé par deux traits principaux et non contradictoires : l’orgueil et la résignation. C’est par orgueil qu’il se complaisait à l’effort, écrasait la souffrance sous le poids de son mépris, défiait la mort et, en la recevant, se consolait de sa fin individuelle en songeant à la perpétuité de la nation. C’est par résignation qu’il croyait à la fatalité, acceptait le destin sans murmures et envisageait les biens périssables qui l’entouraient d’un regard intensément mélancolique. Ces caractéristiques sont celles de l’Ouest. Jusqu’à présent, elles seules sont immuables. Tout se transforme et elles demeurent. Le cowboy d’hier était ainsi ; le fermier d’aujourd’hui est ainsi ; le citadin de demain sera ainsi : amoureux de la lutte, dédaigneux du trépas, certain de la grandeur collective à laquelle il travaille, sans fiel contre le sort, mais attristé quand même par la menace toujours présente de ses coups.

À force d’être puéril, leur orgueil est touchant. Pendant que le train décrivait autour de la ville une