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chicago.

iv

De sorte que l’Exposition représentait assez bien ce patriotisme à deux étages sur lequel M. James Bryce appelle tout de suite l’attention du lecteur au début de son fameux ouvrage, American Commonwealth, l’État que l’on aime un peu à la vieille manière, d’un amour bourgeois, pot-au-feu, détaillé ; la Nation vers laquelle monte un sentiment plus pur, plus sacré, dépouillé de toute tendance vile, distinct de tout intérêt de clocher : le même sentiment que Rome inspira, vers le temps de l’empire, aux habitants des provinces d’Espagne, de Gaule ou d’Afrique.

Ces patriotismes-là ne s’opposent pas, comme le donnent à penser certains indices superficiels : ils dérivent les uns des autres. Ce sont comme autant de rivières descendant des collines vers un grand lac dans lequel elles se déversent, mais des rivières qui auraient conscience de leur mission et poursuivraient, dans le grand lac, leurs cours individuels.

Ainsi, à Chicago, en était-il de l’unité : tout le monde la cherchait non pour s’y perdre, mais pour la réaliser, la sentir, la toucher, se bien convaincre de son existence et en jouir. Et le rêve d’unité fut si puissant qu’il dépassa la matière pour atteindre l’esprit. L’unité nationale ne parut pas suffisante ; on chercha, pour la compléter, l’unité religieuse.

Les congrès étaient légion ; on les qualifiait tous d’universels, bien que l’univers y fût, la plupart du temps, assez imparfaitement représenté, et cela