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souvenirs d’amérique et de grèce.

Troie, debout sur son char, dans toute la splendeur de son triomphe. Partout son souvenir est évoqué avec une sorte de tendresse que la fable, l’histoire ou même le génie d’Homère ne sauraient expliquer. Dans ce culte rendu à Achille on devine une impression plus réelle, un regret récent, un amour encore vivant, le souci de perpétuer l’image d’un être à peine disparu. Achille, en effet, n’est qu’un symbole. Quand il vivait, l’impératrice Élisabeth, fière de son fils, le comparait en sa pensée au guerrier de l’Iliade, et sa passion maternelle voulait trouver entre eux des ressemblances et des rapprochements. Maintenant qu’une mort mystérieuse et sans gloire a frappé l’archiduc Rodolphe, sa mère cherche en quelque sorte à se venger du destin en confondant les deux figures. Achille, c’est son fils, l’héritier des Habsbourg ; il a trouvé un trépas cruel, mais digne de sa race et de son rang ; il est mort, les armes à la main ; l’univers le respecte et conserve sa mémoire. Voilà le rêve ! Il est très noble et très touchant.

Le visiteur doit le comprendre et se l’assimiler, sans quoi l’Αχιλλείον lui paraîtra une fantaisie sans portée, une originalité de plus ajoutée à la longue liste de celles dont l’impératrice a semé le souvenir à travers l’Europe. On est tout prêt ici à « potiner » vulgairement. On lui contera, pour peu qu’il ait l’air de s’intéresser à ces vétilles, que Sa Majesté parcourt les montagnes en robe courte et sans chapeau, suivie de son lecteur, qu’elle ne reçoit personne, que sa vie se passe en escalades et en songeries, qu’elle surveille avec un soin jaloux la sveltesse de sa taille et son