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souvenirs d’amérique et de grèce.

les dessins, de grands coquelicots étranges, comme ceux des cretonnes britanniques, et mille fleurs de tous les pays, exposées là comme pour un concours d’horticulture universelle.

Mais c’est dans le jardin du roi qu’est la vraie fête des yeux. Là vivent, dans un harmonieux pêle-mêle, les plantes des tropiques et celles du nord : tout s’y confond, au point que les bouleaux ont des lianes et que les palmiers rivalisent avec les érables. Je me souviens d’une vallée californienne où la fantaisie d’un ranchman avait créé quelque chose de semblable ; mais on devinait l’effort de l’homme sous la fertilité de la terre et l’on apercevait les traces de l’irrigation artificielle. Dans le jardin royal de Kerkyra la terre même est humide et la végétation se fait comme une fonction naturelle. Au centre de cet éden est la villa de Georges ier, une grande maison basse, ayant au centre une petite coupole blanche, et sur ses façades des portiques et des galeries. C’est une vraie habitation des pays chauds, la demeure d’un riche planteur des Indes occidentales. De la terrasse on jouit d’une vue magnifique sur la baie et sur la ville. En face, la côte d’Albanie apparaît, doucement brumeuse. Sous la terrasse, un sentier descend à travers un écroulement de verdure vers une anse tranquille où le canot royal peut aborder en sécurité.

Et le paysage se continue sous l’eau ; il y a de grandes algues empourprées et de longs rubans couleur de nacre, et des herbes vertes comme l’émeraude. Des reflets d’azur se jouent dans les roches,