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souvenirs d’amérique et de grèce.

voiles de gaze irisée dont le buste s’enveloppe, elles portent en outre toute une ferblanterie : des boutons, des chaînettes, des médaillons, des pendeloques et de gros sequins dont les tintements accompagnent leurs moindres mouvements. Ainsi vêtues, elles ressemblent à des bazars ambulants et il faut l’œil exercé d’un artiste pour démêler sous ces oripeaux la noblesse et la splendeur de ces lignes pour lesquelles le génie hellène professait un respect charmé Si le vêtement déforme le corps, la coiffure alourdit désespérément le visage. Les cheveux sont tressés sur des tiges de métal que terminent des boules ou des entrelacs compliqués. Ils sont luisants de pommade et souvent saupoudrés de poussière. On devine que cet édifice savant demande des soins qui sont bien loin d’être quotidiens. Quelques femmes portent sur l’oreille de gros bouquets blancs, rendus plus massifs encore par le ruban qui les entoure. Ce signe distinctif désigne celles qui sont mariées depuis moins d’un an. Il est destiné sans doute à écarter les galants en indiquant chez l’heureux époux une recrudescence de jalousie.

Quand elles sont simplement vêtues, sans recherche et sans prétention, les femmes de Kerkyra somnolent paisiblement dans le crépuscule de leurs demeures. Si elles entendent rouler une voiture sur la route poudreuse, la curiosité les éveille ; elles écartent le volet pour voir l’étranger et l’étranger alors les admire dans le cadre qui leur convient, celui de la nature. Leurs filles, rieuses et déjà charmantes, courent pieds nus dans l’herbe, composant à la hâte