Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
kerkyra.

planade contient la bibliothèque de l’Université ionienne, établie par les Anglais et supprimée après leur départ. L’Esplanade, elle-même, a conservé un cachet britannique, comme aussi le mobilier de l’hôtel Saint-Georges. Les lits, les armoires, les tables de toilette, les commodes rappellent ces vieilles auberges d’Angleterre où les relais de jadis déposaient les squires respectables et où la gentry du comté s’assemblait pour faire la politique et causer de l’intérêt général. Sur les murs, des chromolithographies, produit d’un art en enfance, représentent la grosse tour de Windsor vue des ombrages d’Eton et les clochers d’Oxford, avec des étudiants qui rament gauchement sur une Tamise toute bleue. L’après-midi du dimanche, les voyageurs qui se trouvent dans l’hôtel voient se jouer sous leurs balcons une véritable partie de cricket — la partie sérieuse, la partie d’honneur. Car il s’en organise d’autres sur chaque place, à chaque carrefour, sur les promenades, dans les encoignures des vieux remparts, partout où l’on trouve dix mètres de sol plat et un peu d’herbe. Pas un gamin qui dès l’âge le plus tendre n’ait en mains une batte ou au moins quelque morceau de bois pouvant en tenir lieu. Ils jouent mollement, sans se dévêtir ; on ne peut comprendre le plaisir qu’ils y trouvent. Aucune force dans le lancer, aucune vitesse dans la course, aucune habileté à reprendre la balle, et pourtant ces parties semblent leur procurer des jouissances infinies ; une balle de deux sous et la moitié d’une planche suffisent pour cet embryon — ou mieux cette caricature