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souvenirs d’amérique et de grèce.

ment sur les flancs de sa triple enceinte, et les petits soldats du roi Georges lui rappellent les grands jours d’autrefois. Ils habitent là dans des casernes trop vastes pour eux, adossées au rocher sur lequel est bâti le second rempart. Car c’est toute une ville, cette citadelle : il y a des chemins de ronde, des couloirs voûtés, deux églises, un hôpital, des constructions en ruines et des jardins pleins de giroflées et des petits bouts de prairies où paissent des agneaux. Le troisième rempart domine ces choses : il est étroit et conique et ne contient que des canons, un phare minuscule et le mât où flotte le drapeau blanc et bleu de la Grèce émancipée.

De là-haut le regard embrasse tout l’ensemble compliqué de la forteresse, le pont-levis qui ne se lève plus et les canots inoffensifs que les mariniers attachent aux anneaux de fer scellés dans la maçonnerie.

Il y a des terres dont la géographie raconte l’histoire. Kerkyra n’était-elle point destinée par sa situation à devenir la victime de la rivalité des Grecs et des Italiens, à subir le contre-coup de leurs infortunes ? Elle fut prise par les Romains avant l’ère chrétienne, reprise plus tard par les Grecs, puis donnée aux Vénitiens par les croisés, lorsqu’ils démembrèrent l’empire byzantin ; passée, de 1267 à 1386, sous la domination des rois de Naples, elle redevint vénitienne pour quatre siècles. Deux fois les Turcs l’assiégèrent. Napoléon en fit un département français et les alliés, en 1815, l’érigèrent avec les autres îles, ses sœurs, en État indépendant sous le protectorat de l’Angleterre En ce temps-là les Ioniens furent heureux et riches ;