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chicago.

frais : l’Europe a paru, et, sans se donner de mal, a marqué sur plus d’un point sa supériorité. Les visiteurs étrangers n’ont pas rempli les hôtels, et l’Exposition a coïncidé avec une de ces crises financières et commerciales que l’Union traverse périodiquement et qui causent tant de déboires et de ruines.

Le succès est venu néanmoins, mais sous une forme imprévue : il est venu par où nul ne l’attendait. Au lieu d’une foire merveilleuse, faite pour égayer et charmer, les architectes, on ne sait pourquoi, ont élevé une ville surnaturelle dans sa conception, faite pour la prière et le recueillement et, tout de suite, une idée a circulé sous ces portiques solennels, une idée qui se dégageait toute seule des efforts de chacun, l’idée de l’unité. Les New-Yorkais, les habitants de la Nouvelle-Angleterre qui détestent ou jalousent Chicago, sont venus railleurs et sont repartis touchés ; ceux du Sud, encore sous le poids de la défaite, ont senti fondre leurs rancunes et s’apaiser le sentiment de leur humiliation. Une fois dans le forum, Chicago s’était effacé et, pour la première fois, ils s’étaient trouvés tous face à face avec la réalité des États-Unis de cette grande patrie qu’ils aimaient et servaient sans la connaître, sans l’avoir vue jamais !

L’impression se retrouve dans tous les articles que publièrent alors les revues locales. Les premiers visiteurs l’avaient rapportée chez eux, incitant les autres à venir la recevoir à leur tour. « J’ai beau chercher à m’intéresser à ce que renferment les galeries, me disait l’un d’eux, je ne puis y réussir, et toujours je reviens à cette cour d’honneur ; mes yeux ne se lassent