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souvenirs d’amérique et de grèce.

difficile de méconnaître le patriotisme du peuple américain ; prétendre qu’une nationalité qui a résisté à la guerre de sécession et qui assimile chaque jour le surplus d’hommes que l’Europe lui envoie ne repose que sur le « tout-puissant dollar », c’est démentir l’histoire entière de l’humanité. Si nous réfléchissions davantage à ces choses, nous verrions combien étroite est notre conception de la vie et de la société américaines et combien insuffisante est l’explication que nous nous donnons à nous-mêmes de ses contrastes et de ses bizarreries.

Mais le dollar absorbe l’attention, tandis que la science est discrète ; et les voyageurs continueront longtemps encore d’ignorer les petites villes universitaires, les professeurs peu rétribués et contents de leur sort, les travailleurs silencieux, les aspirations ardentes, mais cachées, pour courir aux grandes cités tumultueuses, pleines d’agiotage et de fracas ; ils en rapportent la notion d’un pays exorbitant, déréglé, enfiévré, tandis que se construit dans l’ombre l’Amérique véritable qu’ils n’ont point vue.

iii

De loin, l’idée avait paru géniale dans sa simplicité, de célébrer, à Chicago, la cité yankee par excellence, ce grand anniversaire qui devait être — on le croyait du moins — une fête d’orgueil, une fête de parvenus, l’étalage de mille fortunes, une parade écrasante pour cette pauvre Europe ! Et ce n’a rien été de tout cela ! Matériellement, l’opération a tout juste couvert ses