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notes athéniennes.

Ce matin il fait clair dans le Parthénon. Le soleil se mire sur le dallage de marbre blanc ; entre les colonnes apparaît la ligne très pure de l’Hymette se détachant sur un ciel d’une transparence exquise. Je voudrais là, autour de moi, tous nos petits potaches qui, laborieusement, expliquent dans un mot à mot lamentable les chefs-d’œuvre de l’antiquité grecque, et il me vient la pensée que ce travail auquel ils se livrent n’est pas sans analogie avec les actes de vandalisme inconscient que les Vénitiens, les Turcs et les Anglais ont accomplis dans cette Acropole qui étale devant moi sa misère royale.

L’Iliade est, comme le Parthénon, quelque chose qui ne se débite pas en tranches, qui ne s’isole pas, qui ne s’explique pas. Il faut, pour en comprendre le sens profond et en apercevoir les perspectives incomparables, il faut que le monument nous soit montré tout à coup, à un détour de la route, se profilant sur l’horizon pour lequel il a été fait. Alors la procession des Panathénées se déroule librement dans notre imagination avec tout l’arrière-plan de civilisation que supposait sa pompe resplendissante ; alors Achille et Agamemnon prennent corps dans notre esprit ; nous les voyons, hommes comme nous, ayant nos ardeurs et nos révoltes, seulement un peu plus simples, un peu plus francs, parce qu’ils étaient plus près des origines insondables et que le sol qu’ils foulaient avait trois mille ans de moins.