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souvenirs d’amérique et de grèce.

Allez par les rues et les carrefours ; regardez et écoutez, et dites-moi si ce n’est pas la vieille Athènes qui revit après vingt siècles : démocratique comme au temps où elle secouait la tyrannie des Pisistratides, mobile comme au jour où elle condamnait Miltiade après l’avoir exalté, toujours divisée par la politique et les rivalités, toujours unie par l’art, la religion et le patriotisme ? Oui, c’est bien la même Athènes qui s’éprit d’Alcibiade pour ses élégantes excentricités et se dégoûta d’Aristide parce que sa vertu l’ennuya ; qui envoyait ses fils s’enrichir au loin par le commerce, fonder des colonies sur les rives de la Méditerranée et du Pont-Euxin, et les conviait ensuite à la revêtir de marbre et d’or, tour à tour coquette et farouche, héroïque et joyeuse, femme et déesse !

À l’heure où, dans des clartés roses, derrière l’île d’Égine, le soleil descend du ciel, la rue du Stade s’anime. Sous les portiques de l’Université dont la grande fresque à fond d’or doucement s’efface, les étudiants, groupés, bavardent ; on bavarde aussi aux alentours du Parlement, dont la séance vient de s’ouvrir, et aux tables des cafés, et dans les salons du Parnasse ; mais, à cette heure-là, je préfère les rues populaires, étroites et pittoresques, les étalages de fruits jaunes en plein vent et les discussions politiques, très ardentes, qui se tiennent dans les boutiques sans souci du client, lequel parfois s’y mêle et oublie d’acheter