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chicago.

sait des tableaux et organisait des tombolas pour les pauvres incendiés de Chicago, ceux-ci, déjà consolés et pleins de confiance, rebâtissaient leur ville, en pierre et en marbre, cette fois, par crainte des accidents futurs.

Nous songions à ce contraste, en l’air, sur notre toit, en regardant « les foules ». Sur le boulevard Michigan, en face des assises cyclopéennes de l’Auditorium, on les voyait, compactes et noires, se presser autour des guichets d’une gare improvisée ; toutes les trois ou quatre minutes, un convoi rempli s’élançait comme une fusée dans la direction de Jackson-Park ; plus lents, sur les eaux du lac, de gros steamers s’échelonnaient, chargés de bétail humain.

Tout ce monde devait revenir fort tard le soir avec de la lumière plein les yeux et des fanfares triomphales plein les oreilles : pas un qui ne soit monté, ce jour-là, au capitole et n’ait mentalement remercié Dieu de ne pas l’avoir fait semblable aux autres hommes qui végètent dans la médiocrité et marchent craintifs sur le chemin de la vie.

Le lendemain, on publia le total des entrées payantes ; l’enthousiasme ne connut plus de bornes : 713 646 ! Un tel chiffre n’avait jamais été atteint nulle part : l’Exposition de Paris, qui jusque-là détenait le record, s’était tenue aux environs de 400 000. Chicago avait la palme ! Dans les clubs, les hommes les plus graves s’accostèrent, se félicitant avec une exubérance inusitée.