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tende remplacer la morale, mais Arnold qui considère que « l’adolescent bâtit sa propre virilité avec les matériaux dont il dispose et qu’en aucun cas on ne peut la bâtir pour lui », organise le sport en terrain de construction à l’usage de ses élèves. Il les y introduit et les y laisse libres. À eux de s’y débrouiller, d’y apprendre la vie pratique, de s’exercer à doser la tradition et la nouveauté, à combiner l’entr’aide et la concurrence… Qu’ils gouvernent en un mot leur petite république sportive et, comme elle est à base de muscles et de loyauté, leurs erreurs et leurs fautes n’auront pas grande conséquence, seront même salutaires. Aussi bien le maître est à portée, vigilant et aimant. Arnold professe, selon la formule que donnera plus tard un autre headmaster britannique, Edw. Thring, que « l’éducation est une œuvre de travail, d’observation et d’amour ». Son intervention est rare, mais son regard est inlassable et ses conseils toujours prêts.

Remarquons que de tels principes sont absolument nouveaux ; personne n’en a jamais conçu ni énoncé de pareils. Faire de l’organisation sportive remise aux mains du collégien et fonctionnant par ses soins l’école pratique de la liberté, c’est ce que ni l’antiquité ni le moyen-âge n’avaient même entrevu et ce sera la pierre angulaire de l’empire britannique[1] qui, au

    Oxford, en 1850 ; cinq ans plus tard St Johns College, Cambridge en créa un autre. Les premiers concours interuniversitaires eurent lieu en 1864.

  1. Ce point de vue encore étranger à beaucoup d’Anglais a été exposé à W. E. Gladstone dans l’entretien que je viens de rappeler ; il y a donné après mûre réflexion, sa complète adhésion.