Page:Pierre de Coubertin - Pédagogie Sportive, 1922.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
histoire des exercices sportifs

recommandé « qu’il n’y eût pas d’émotion parmi le peuple ». C’est que depuis 1280, les rois s’alarmant, pour d’autres motifs que les papes, de l’abus des tournois cherchaient par une série d’ordonnances à entraver le mouvement ; ils ne semblent guère y avoir réussi. Eustache Des Champs, dont l’œuvre est pleine de détails pittoresques sur l’époque de la Guerre de Cent ans, se plaint vivement du surmenage physique qui pèse sur la jeunesse masculine ; elle mène, dit-il, une vie « que ne pourraient souffrir chevaux ni ours ».

Du xive au xve siècle toutefois, le tournoi évolue grandement. L’aspect s’en atténue ; des prescriptions plus douces le réglementent. Il est interdit à un chevalier d’y amener avec lui plus de trois écuyers ; quant aux assistants, ils doivent être « sans armes ». (Il paraît que trop souvent le goût de la bataille les gagnait aussi.) La capture des chevaux ou des hommes — et par conséquent la rançon et le rachat — ne seront plus permis. Ces atténuations issues de l’initiative d’Édouard ier d’Angleterre se répandent. Un cérémonial très compliqué et courtois s’établit. On se préoccupe de plus en plus des dames et de leur « ébattement ». Elles président les rencontres et donnent même leur opinion pour en fixer les détails. Le tournoi ainsi corrigé s’aristocratise parce que l’adresse de l’homme et la valeur du cheval y jouent maintenant un plus grand rôle. Il est en route vers son aboutissement purement équestre et tout à fait aristocratique qui sera le « carrousel ».

La joute qui est au tournoi ce que l’unité est au nombre multiple suit un destin un peu différent. Elle oppose l’un à l’autre deux cavaliers seulement qui se rencontrent en un choc unique, prévu et pour ainsi dire