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même, il doit encore payer sa propre rançon. Le village où se font le soir du tournoi ces étranges règlements de comptes présente l’aspect le moins recommandable. On cite un tournoyeur renommé qui se trouvait, au sortir de tel tournoi, possesseur de « douze chevaux avec selles et agrès » : toute une fortune. Rendons pourtant cette justice au moyen âge que l’esprit de lucre ne parvient à aucun moment à y tuer l’esprit sportif qui garde une intensité et une fraîcheur supérieures probablement à ce que l’antiquité grecque elle-même avait connu.

La chevalerie était aristocratique en son principe ; un « villain » pourtant pouvait être armé chevalier et cela se vit assez fréquemment. De même les tournois ne se limitèrent point aux chevaliers. Les tournois populaires ne furent pas une rareté. Celui qui, en 1330, mit aux prises les bourgeois de Paris avec ceux d’Amiens, Saint-Quentin, Reims, Compiègne et autres lieux, peut être considéré comme un modèle du genre. L’équipe parisienne qui comptait trente-six cavaliers l’emporta. Nombre de lances furent rompues « pour l’honneur des dames et l’exaltation de courtoisie ». Ce fut un maître des comptes qui obtint le premier prix. Un bourgeois de Compiègne eut le prix de la province ; comme il gisait au lit avec une jambe cassée, une jeune Parisienne, fille d’un drapier, alla le lui porter en le complimentant sur sa vaillance. En autorisant le tournoi[1], le roi Philippe de Valois avait

  1. Ce qui n’est pas éclairci concernant les tournois populaires, c’est la question des armures. Une armure de choix faite sur mesure coûtait cher et les tournoyeurs occasionnels ne devaient pas en posséder chacun une. Sans doute pouvait-on en louer comme aussi des chevaux de tournoi soit à des entrepreneurs soit à des chevaliers peu fortunés.