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pédagogie sportive

pendant une joute à la lance. Le prestige des exploits sportifs subsistait malgré tout. L’empereur Jean Tsimiscès, habile au javelot comme à la course et capable de sauter « quatre chevaux de front », n’en dédaignait pas l’effet sur la foule et on sait que Basile ier dut l’origine de sa prodigieuse fortune à la façon dont il tomba un lutteur bulgare. Mais ce n’étaient là que de pittoresques détails. L’athlétisme condamné par l’Église n’avait plus ses temples.

Quant aux fameuses manifestations de l’Hippodrome[1], elles n’étaient rien moins que sportives. Les factions hostiles des Verts et des Bleus auxquelles les courses de chars servaient de prétexte à agir, étaient en réalité des sortes de Tammany Halls pour l’exploitation du pouvoir et des places. Elles s’appuyaient sur des milices ou gardes nationales privées, souvent composées de gens sans aveu. La passion du pari et du jeu et tous les désordres résultant d’une pareille organisation emplissent l’histoire de Byzance et des grandes villes de l’empire d’une activité où l’on ne trouve rien de sportif.

Ainsi s’est évanoui l’athlétisme antique. Son histoire est pleine d’enseignements ; elle souligne le rôle prépondérant de la passion sportive individuelle et la valeur des divers incitants qui l’aident à se développer comme aussi le danger des contacts qui la menacent de déchéance ; elle explique la périlleuse nécessité d’un appui de l’opinion, et le duel forcé de l’éclectisme

  1. L’hippodrome était un stade démesurément agrandi, coupé dans toute sa longueur par la longue plate-forme appelée spina ; il était quasi impraticable à tous autres sports que des courses de chars.