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action morale et sociale des exercices sportifs

son gré. Seulement s’il s’alcoolise, il n’est plus sportif. Ceci est un fait. Un excès passager n’abattra pas l’élasticité du sportif mais tout excès répété en aura très vite raison. Or cette qualité d’être et de se sentir « élastique » est ce par quoi le sport tient l’homme. La joie de l’élasticité est la base de toutes les joies comme de toutes les possibilités sportives. Pour la conserver ou la retrouver, le sportif qui reconnaît vite en l’alcool son pire ennemi n’hésite pas à le répudier. La grande erreur des sociétés antialcooliques est de n’avoir pas saisi la portée de ce fait et de n’être pas appuyées délibérément sur le sport.

Un second point par lequel le sport touche à la question sociale, c’est le caractère apaisant qui le distingue et que nous avons déjà relevé à plusieurs reprises. Le sport, avions-nous dit, détend chez l’homme les ressorts tendus par la colère. Or qu’est la question sociale à bien des égards, sinon le produit d’une agglomération de « ressorts tendus par la colère » ? C’est pourquoi, il n’y a pas lieu de s’émouvoir parce que des sociétés sportives uniquement composées de travailleurs manuels refusent de laisser leurs membres se mesurer avec des « bourgeois ». Ce qui importe, ce n’est pas, comme on le répète à tort, un contact matériel dont, à l’heure actuelle, ne saurait résulter aucun rapprochement mental ; c’est bien plutôt l’identité du plaisir goûté. Que la jeunesse bourgeoise et la jeunesse prolétarienne s’abreuvent à la même source de joie musculaire, voilà l’essentiel ; qu’elles s’y rencontrent, ce n’est présentement, que l’accessoire. De cette source découlera, pour l’une comme pour l’autre, la bonne humeur sociale ; seul état d’âme qui puisse autoriser pour l’avenir l’espoir de collaborations efficaces.