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pédagogie sportive

crier à l’un : « vas-y » et à l’autre : « méfie-toi ». Ils trouvent d’instinct la parole propre à rectifier la balance chez le concurrent enclin à être trop calculateur ou trop osé, trop confiant ou trop méfiant. N’empêche que cette particularité du sport d’exiger la collaboration de qualités contraires souligne sa valeur comme instrument pédagogique. Les autres instruments pédagogiques n’ont pas, en général, la possibilité de s’employer à créer de l’équilibre direct ; ils y procèdent, si l’on peut ainsi dire, par des effets alternatifs.

Il y a chez le sportif une certaine obligation d’impassibilité qui est fortement éducative. Un sportif qui laisse transparaître la moindre contrariété paraît un peu choquant ; un sportif qui laisse transparaître la moindre souffrance scandalise. Si le sport lui a fait des épaules larges, c’est aussi pour porter les ennuis et s’il lui a fait les muscles solides, c’est pour faire taire ses nerfs et le rendre maître chez lui. Ainsi raisonnent inconsciemment les voisins ; et ils sont dans le vrai[1]. Soyez attentifs, vous remarquerez que l’enfant déjà en a parfaitement conscience ; dès qu’il a revêtu son premier costume de sport, il se sent sous une manière d’empreinte virile qui lui impose une attitude déterminée, qui le force à donner l’illusion du courage et du calme, même s’il n’en possède pas la réalité. Mais cela est fugitif et imprécis. C’est à l’éducateur à tirer profit de cette disposition d’être, à la souligner, à y appuyer. S’il n’y songe pas, c’est qu’il est inférieur à son métier.

Y a-t-il des revers à la médaille ? Le sport qui

  1. Voir Essais de Psychologie sportive, le chapitre intitulé : « La Face » dans lequel ce sujet est développé.