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conférence de m. de coubertin

querez que la proximité de l’Adriatique, de la route des Indes, de la Méditerranée, de Trieste, lui deviendra une tentation telle qu’il me paraît difficile qu’il y résiste et que tout le poids immense de cette Allemagne unie l’obligera à faire en quelque sorte une percée vers l’Adriatique. Or, pour cela, il faut traverser la Carniole, où habitent les Slovènes, qui furent tirés par Bernadotte et Bonaparte d’une léthargie très longue. Ils ont formé autour de Leybach, leur capitale, une nationalité par les lettres et les arts, une nationalité qui est digne de respect, mais qui est un peu fictive et il ne paraît pas probable qu’elle puisse être respectée dans l’avenir. Vous remarquerez qu’ici je n’émets pas des opinions, je me borne à constater des faits. Dans la Carniole, les Slovènes ne constituent qu’une population faible, peu résistante en face de l’énorme masse de l’Allemagne de demain et je ne crois pas que l’Allemagne s’abstienne de faire une percée jusqu’à l’Adriatique.

Voilà une première question. Ces modifications éventuelles de l’Allemagne ne font que rendre plus épineuse la solution d’une seconde question dont je n’ai pas besoin de vous parler parce que les journaux vous en parlent tous les jours, c’est la question tchèque. Vous voyez que la Bohême est environnée par une sorte d’océan germanique et qu’elle forme à peu près une presqu’île qui se rattache, par la Moravie, aux populations slaves de la Russie et de la Pologne, mais en définitive elle est enserrée par l’élément germanique. Ce n’est un mystère pour personne que cette population se concentre et se défend parfaitement. Des villes qui étaient autrefois mixtes, qui comptaient autant d’Allemands que de Tchèques sont maintenant absolument conquises par les Tchèques. Ils sont très prolifiques, ils gagnent certainement du terrain autour d’eux, mais ils ne peuvent espérer, à aucun moment, pouvoir traverser l’océan germanique, qui les entourera de plus en plus, et atteindre soit la mer, soit une autre frontière.

Voici enfin une troisième question. C’est la Hongrie qui en est le centre. Toute la question hongroise tient en ceci, c’est que la Hongrie est historiquement, par les luttes qu’elle a soutenues, par les qualités admirables dont elle a fait preuve, une puissance de premier ordre, mais numériquement elle n’est qu’une puissance de second, de troisième rang.

Vous avez certainement remarqué, en jetant les yeux sur un atlas, la configuration si extraordinaire de l’esplanade hongroise, si je peux employer cette expression. La Hongrie se compose d’une plaine gigantesque qui est coupée en trois parties égales par le Danube et la Theiss ; elle est pourvue