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l’europe inachevée

sont la puissance ottomane, la puissance madgyare, la puissance allemande, et la puissance russe.

En ce qui concerne l’empire ottoman, les faits parlent d’eux-mêmes. Pour le sultan, vous savez comment on l’a nommé, on l’appelle « l’homme malade ». L’Europe qui ne perd pas de vue ses intérêts, malgré ses divisions, l’Europe s’était installée à son chevet et lui administrait des cataplasmes et des tisanes. Il est arrivé ceci, c’est que le sultan a été invité à distribuer de son vivant les biens dont il pouvait disposer. Il est aujourd’hui un moribond un peu délaissé, parce qu’il n’a plus rien à léguer.

L’Europe s’est installée ensuite au chevet d’un autre homme malade, le Chinois, qui, celui-là, a encore beaucoup de biens dont il peut disposer. C’est ce qui fait que la question d’Orient a perdu tout l’intérêt qu’a pris la question chinoise. La péninsule des Balkans est en effet partagée à peu de chose près. L’érection de la Bulgarie en royaume indépendant est prochaine puisque le prince qui préside à ses destinées a parlé de l’époque où le fruit sera mûr. Cet événement achèvera d’anéantir la puissance ottomane en tant que puissance européenne. Assurément, Constantinople restera longtemps encore une ville neutre, mais c’est tout au plus si elle aura autour d’elle une petite banlieue ; le reste aura été à jamais arraché au joug du commandeur des croyants.

Il y a néanmoins une province sur le sort de laquelle il est difficile de se prononcer et dont, en tous les cas, il m’est impossible de décrire ici en quelques mots l’état chaotique. Je vous renvoie pour cela au livre si intéressant qu’a publié M. Victor Bérard. M. Victor Bérard est très documenté et parfaitement au courant de tout ce qui concerne l’Orient et l’empire ottoman. Son livre sur la Macédoine est véritablement admirable, parce que, à l’encontre de beaucoup d’auteurs, il ne l’a pas décrite avec une idée préconçue et qu’il a noté de tous côtés les causes des conflits multiples et divers qui peuvent et doivent surgir ; il donne bien l’impression de ce qu’est la Macédoine — un mot dont nous faisons un emploi symbolique en cuisine. — C’est bien cela que représente cette pauvre province. Il est certain que, dans l’avenir, entre la Bulgarie, la Serbie, la Roumanie et la Grèce, la Macédoine sera une pomme de discorde. Néanmoins, on peut admettre que cette question ottomane est assez résolue ou du moins que les solutions en sont suffisamment amorcées aujourd’hui pour qu’il n’y ait pas là de cause probable de conflit européen.

Je disais tout à l’heure qu’il y avait une autre puissance qui était direc-