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conférence de m. de coubertin

de petits Russiens, qu’il est grand-duc de Finlande, souverain de la Lituanie et des provinces baltiques et roi de Pologne. De sorte que, là encore, nous trouvons, sans parler le moins du monde des troubles, des commotions qui peuvent se produire accidentellement, des bouleversements que peut subir la carte de l’Europe, nous trouvons que la question de l’achèvement de l’Europe ne peut pas se résoudre sans qu’il en résulte une commotion politique pour l’énorme empire russe.

Nous sommes donc en présence de trois questions excessivement graves : d’une part il y a la commotion que recevra l’Allemagne moderne pour l’achèvement de son unité, par l’annexion fatale des provinces autrichiennes de langue allemande, par le fait que son centre de gravité politique se trouvera déplacé et qu’à la place du roi de Prusse il faudra créer l’empereur d’Allemagne tout court, gouvernant en son nom personnel et non pas au nom de la royauté prussienne. Je ne parle pas là d’une éventualité lointaine car j’estime qu’elle se produira certainement dans la première moitié et probablement dans le premier quart du siècle prochain ; mais je ne veux pas dire que ce sont des événements qui vont arriver dès demain.

D’autre part, nous avons vu que la Hongrie se trouverait dans cette situation difficile d’avoir à créer un régime acceptable pour des peuples de race, de religion, de tendances différentes que la géographie oblige en quelque sorte à vivre sur son territoire et qu’enfin, du jour où la question polonaise surgira, le gouvernement russe, sous sa forme actuelle, deviendra impossible.

Il a un remède très simple, qui est généralement prôné dans les salons et très souvent aussi dans les discussions parlementaires. On vous dira : mais, en définitive, qu’est-il besoin de tous ces peuples différents, de toutes ces nationalités ? Il est bien certain qu’il y en a qui sont semblables ; il y a des peuples germains, des peuples latins, des peuples slaves et il n’y a qu’à grouper ces peuples selon leurs affinités, c’est ce qu’on appelle le panslavisme. Je ne saurais trop vous mettre en garde contre l’idée que nous nous en faisons et qui ne répond pas du tout à la réalité. Le panslavisme, dans notre façon de concevoir les choses, c’est une attraction qui pousse tous les peuples slaves les uns vers les autres pour former une sorte d’association de secours mutuels sous la présidence du premier des Slaves, le czar. Or, cette conception est complètement fausse.

Nous plaçons à la tête de ce système rêvé, imaginaire, la nation qui