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projets et espérances

Je n’en veux pour preuve que ce fait assez remarquable : les Français qui ont passé quelques années dans un collège anglais sont en général ceux qui s’expatrient le plus facilement ; j’en pourrais citer plusieurs exemples à défaut d’une statistique difficile à établir. Leur histoire ne varie guère : le plus souvent ils sont revenus d’Angleterre bien portants, forts, pleins d’individualité et ignorants comme des carpes, ayant oublié ce qu’ils savaient sans avoir pu retenir si vite ce qu’on leur a enseigné ; ils rattrapent très rapidement le temps perdu, se font renvoyer de tous les collèges français où on les met, réussissent néanmoins leurs examens, puis s’embarquent un beau jour pour l’Amérique, se sentant à l’étroit en France et ne pouvant se condamner à la petite existence sédentaire qui suffit à leurs voisins. J’ai quelques amis là-bas : l’un dans un ranch du Dakota, l’autre qui cultive des oranges en Floride, un troisième dans une compagnie minière des montagnes Rocheuses ; j’attends leurs lettres avec impatience ; elles sont chargées de parfums exotiques qui emplissent ma chambre et me transportent en imagination au lieu d’où elles viennent. Dans ces missives il y a toujours des récits de chasses fantastiques, de courses invraisemblables à travers la prairie à la poursuite de juments échappées ; d’entrevues solennelles et silencieuses avec des chefs indiens ; et, Gustave