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projets et espérances

Non ! le corps n’est pas méprisable et l’existence n’est pas vile. Combien j’aime cette parole de Le Play à un de ses amis, au sortir d’une grave maladie : « J’ai vu l’approche des joies éternelles : je n’ai pas vu comme certains mystiques le néant de la vie humaine. » Pourquoi l’aurait-il aperçu lui qui avait travaillé à fonder une science nouvelle qu’on pourrait définir : la science d’habiter ce monde, d’y produire le plus possible et d’y vivre le mieux possible ; lui qui a toujours, à l’exemple d’Épictète et de ses disciples, considéré dans l’âme le côté voisin du corps et n’a pas cherché à séparer l’un de l’autre.

L’atmosphère dans laquelle vivent les élèves est donc purement factice ; rien n’y pénètre du dehors et, quand ils sortent, on dirait qu’ils sont venus passer un après-midi sur une autre planète. Comment trouvez-vous que, dans une école préparatoire de Paris, des jeunes gens destinés à revêtir l’année suivante l’uniforme français soient restés plus de huit jours sans savoir à qui était échue la succession de M. Grévy ? Personne ne le leur disait ; il est vrai qu’ils ne le demandaient pas non plus, ce qui témoigne de leur insouciance ; et si cette insouciance est telle, c’est que tout contribue à la faire naître et à l’entretenir. Les distractions littéraires se composent d’exercices dramatiques et d’études dont l’antiquité est le théâtre ; point de libre dis-