Page:Pierre de Coubertin - Hohrod - Roman d'un Rallié, 1902.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
le roman d’un rallié

pour n’être pas embêté dans la vie » ; gai compagnon d’ailleurs, avalant les crêpes de blé noir à la douzaine, ne craignant pas le bon vin, restant douze heures en selle et capable, les soirs de chasse, d’organiser « un petit baluchon », une de ces sauteries bretonnes qui manquent tout de même d’entrain, parce que les danseurs sont éreintés et que les vieilles boiseries sont trop sombres.

Pendant toute une saison, Étienne et Yves d’Halgoët firent les cent coups ; ils crevèrent quatre chevaux, sautèrent d’invraisemblables fossés, se livrèrent à des hécatombes cynégétiques, allumèrent des punchs sous des dolmens, campèrent au pied des menhirs et bravèrent tous les revenants des légendes armoricaines. Ce fut au cours d’une de leurs expéditions, qu’Étienne avoua à son ami sa résolution de partir pour l’Amérique. D’où lui venait-elle ? Comment s’était-elle formée ? Il n’eut pu le dire : il s’étonnait lui-même de la sentir soudain si vivace, si profonde… L’Amérique, peu à peu, sans qu’il s’en aperçut, était devenue pour lui la terre des